quelques "unes " d'Hara Kiri
le prédécesseur de Charlie hebdo
Hara-Kiri n’est pas un journal politique pour plusieurs raisons. D’une part, il ne veut pas être tributaire des vicissitudes de l’actualité et, d’autre part, sa périodicité mensuelle empêche une « prise directe sur la vie »[1]. Ce journal ne saurait, cependant, être atemporel : fondé moins de deux ans après l’installation de la Ve République , il traverse les années soixante sous la présidence du général de Gaulle. L’ambition artistique du journal « bête et méchant » lui interdit de s’intéresser à des petites querelles ministérielles ou au résultat de telle ou telle consultation électorale. Ces jeunes gens visent plus haut : c’est la société gaullienne dans son ensemble qui doit être l’objet de leur jeu de massacre. « Vaste entreprise de révocation de son époque »[2], Hara-Kiri se déchaîne contre les symboles traditionnels de l’autorité, c’est-à-dire l’Église, l’armée et la police, comme pouvait le faire, soixante ans plus tôt, le mensuel anarchiste L’Assiette au beurre. En outre, Cavanna et les siens s’attaquent à ce qui est, selon Marcuse[3], la forme moderne d’aliénation des masses : la société de consommation. La publicité, qualifiée de « pute violeuse »[4] par Cavanna, en est l’un des principaux vecteurs. « La publicité nous prend pour des cons, la publicité rend cons », proclame Hara-Kiri. Pour mieux stigmatiser cette « démagogie flatte-gogos »[5], le journal invente la publicité parodique. Du shampooing à la lessive, de l’électroménager à l’automobile, tous les produits de la civilisation consumériste sont passés à la moulinette de l’humour[6]. La légende veut que Hara-Kiri ait toujours refusé, par conviction et par éthique, d’ouvrir le moindre espace publicitaire dans ses colonnes.